La politique nationale va retrouver un de ses vieux protagonistes. La possible victoire de Hollande ne signifierait pas seulement le premier socialiste à l’Élysée après Mitterand. Elle marquerait aussi le début de un  large Front de la Gauche dans le quel les éléments plus radicaux pourraient jouer un rôle important. Une Gauche qui veut se proposer comme un modelé pour toute l'Europe  mais qui pourraient avoir quelques difficultés à concilier ces différentes idéologies. On en a parlé avec Monsieur Arnault Skornicki, Maître de conférence en science politique à l'Université Paris Ouest Nanterre et avec Monsieur Fabien Terpan Maître de conférence  à Sciences-Po Grenoble.
 

1) Hollande et Mélenchon vont très bien dans les sondages, est-ce que selon vous on est prêt de voir un rétour de la Gauche comme au 1981 avec le succées de Mitterand?

Professeur Arnault Skornicki
Il faut se méfier des sondages, qui se sont fréquemment trompés en France comme ailleurs ; mais il est vrai que les sondages une semaine avant le scrutin sont plus fiables que trois mois avant, et surtout, , le bilan du Président sortant a rendu la campagne de la droite extrêmement difficile. Même s’il convient d’être prudent, on peut donc s’attendre au retour de la gauche au pouvoir après une assez longue période, un peu comme en 1981 avec le succès de F. Mitterrand. La différence, c’est qu’il n’est pas sûr que le Front de Gauche (qui soutient Mélenchon) aille dans un gouvernement dirigé par un socialiste.

Professeur Fabien Terpan
Le retour de la gauche paraît probable. Si Sarkozya quelque peu remonté dans les sondages, il aura du mal à rattraper son retard.

2) Est-ce que selon Vous la force de Mélenchon represente plus un avantage pour Hollande ou ça pourrair representer une menace pour la gauche en tant qu'il peut soustraire des votes à Hollande ou parce qu'il pourrait aider Sarkozy à rassembler les moderés centriste effrayès par les propos de Mélenchon?

Professeur Arnault Skornicki
La campagne de JL Mélenchon est le véritable phénomène politique de cette élection : elle suscite un grand enthousiasme chez une partie de la population, comme on le voit dans ses meetings qui rassemblent jusqu’à plusieurs dizaine de milliers de personnes. Cette candidature représente donc une concurrence pour F. Hollande, c’est évident. Mais notons que, au moins dans les derniers sondages, elle n’affaiblit pas l’ensemble de la gauche, qui semble en mesure de pouvoir réaliser près de 45% au 1er tour, beaucoup plus qu’en 2007. Ces électeurs pro-Mélenchon devraient se reporter massivement au 2d tour sur le candidat socialiste, qui lui ne paraît guère disposé à faire des concessions majeures à son concurrent de gauche. Il n’y aura donc probablement pas d’alliance ou d’accord politiques entre les deux, ce qui devrait rassurer l’électorat de F. Bayrou désireux d’en finir avec N. Sarkozy.

Professeur Fabien Terpan
Le score élevé de Mélenchon dans les sondages est un handicap pour Hollande. Il l'oblige à radicaliser son discours, à "flatter" un électorat eurosceptique. Or, il est difficile de concilier une gauche modérée, "social-démocrate" et pro-européenne, avec une gauche plus radicale et souverainiste. Les reports de voix des électeurs de François Bayrou risquent d'être moins bons pour Hollande s'il radicalise son discours.

3) On peut dire que la gauche est déjà en train de penser aux élections legislatives et que les strategies du PS et le Front du Front de Gauche sont projetées aussi sur ce rendez-vous èlectoral? Quelle scenarios vous voyez dans ce cas? Par example on peut dire que si Hollande gagne l'elysée puis il devrait faire des concessions à la gauche radicale après les élections legislatives? Au contraire meme si Sarkozy gagne puis il pourrait devoir faire face apres les legislatives à une gaiche très forte et peut-etre à une "cohabitation"?

Professeur Arnault Skornicki
Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours tend plutôt à favoriser les« grands » partis, et je serais étonné que, à l’issue du scrutin législatif, les socialistes deviennent dépendants d’un fort groupe parlementaire Front de Gauche, qui serait nécessaire pour constituer une majorité à l’Assemblée nationale. Cependant, le Front de Gauche (comme le Front National d’ailleurs) peuvent troubler le jeu car un candidat peut se maintenir pour le 2e tour au-delà du seuil de 12,5 % des suffrages exprimés, et faire gagner le candidat de l’autre camp. Il serait sans doute opportun pour le PS et le Front de Gauche de conclure des accords de désistement dans un certain nombre de circonscriptions « à risque ». Ce qui n’implique pas nécessairement de programme commun ou de participation du FG au gouvernement, même si certains au Parti Communiste (principale composante du FG) sont tentés par cette dernière option. Quant à la possibilité d’une cohabitation en cas de réélection de N. Sarkozy, ce n’est pas exclu si cette dernière apparaît très « juste », et n’aurait pas alors d’effet d’entraînement suffisant pour remporter mécaniquement le scrutin suivant.

Professeur Fabien Terpan
Si Hollande gagne, le résultat des élections législatives sera importante. Le front de gauche pourrait cependant avoir un moins bon score aux législatives qu'aux présidentielles, du fait du mode de scrutin majoritaire. Et dans ce cas Hollande reprendrait une certaine marge de manoeuvre par rapport à Mélenchon (même s'il devrait tout de même prendre en considération les résultats du premier tour de la présidentielle).

4) La gauche en Europe a eu beucoup de problèmes récemment, elle a perdu en Espagne, au Royaume-Uni, ça fait longtmeps qui ne gagne plus en Allemagne et en Italie. Est-ce que selon Vous cette nouvelle energie de la gauche française pourrait devenir un exemple pour la Gauche européenne et la-revitaliser?

Professeur Arnault Skornicki
Il est vrai que la sociale-démocratie européenne traverse de graves difficultés depuis des années, et ne profite même pas toujours de l’actuelle crise économique. Mais je rappellerai que pas un seul gouvernement en Europe, de droite comme de gauche, n’a survécu à cette crise jusqu’ici : tous ont été sanctionnés par les citoyens. Si François Hollande devient le nouveau Président de la République, cette victoire pourrait en effet inspirer les partis socialistes ou sociaux-démocrates voisins, mais j’ignore dans quelle mesure. En revanche, si le score de JL Mélenchon confirme les espoirs qu’il suscite chez ses partisans, sa stratégie, elle-même inspirée de Die Linke en Allemagne, pourrait faire des émules ailleurs.

Professeur Fabien Terpan
Difficile de répondre. J'ai plutôt l'impression qu'en Europe, on voit la politique française comme assez particulière. Le maintien d'une gauche assez radicale et souverainiste est vu comme un archaïsme plus que comme un modèle à suivre.